Les croix en Couserans
Les croix sont nombreuses dans le
paysage couserannais, dans les villes, les villages, le long des chemins
et des sentiers, sur les sommets,
dans les lieux les plus isolés.
Sont-elles plus nombreuses qu'ailleurs
?
Je ne répondrai pas à cette dernière
question. Il est certain que, vivant depuis une trentaine d'années
dans cette région que j'ai largement parcourue, j'en ai une connaissance
plus intime que de tout autre et je n'ai pas les moyens d'effectuer une
comparaison objective. J'ignore par ailleurs s'il existe un recensement
exhaustif des croix dans les différentes régions de France.
La localisation de ces croix :
- dans l'espace bâti (ville,
village, hameau), sur des places et, en particulier, des places qui correspondent
à une ancienne limite de la ville, un lieu de passage, une "porte"
de l'espace construit (exemple à Vic d'Oust où une grande
croix s'élève à l'entrée nord, côté
Saint-Girons, entre la dernière maison du tissu urbain continu et
les nouvelles constructions dont fait partie l'école ; autre exemple
à St-Girons, à l'extrémité de l'avenue Laffont,
une petite place qui marqua, un temps, la limite de la ville) ;
- le long d'un chemin et, en montagne,
toujours en un point offrant une bonne visibilité, par exemple au
col de Catchaudégué
;
- sur un sommet, et à ce
titre les 3 croix qui entourent Saint-Girons
sont très représentatives, mais on trouve une situation identique
sur Lacourt ou sur Moulis et souvent près d'un couret,
au col d'Argein par exemple, près de Castillon ;
De quand datent ces croix et pourquoi
ont-elles été implantées ?
R.
Roger qui présenta en 1916 une communication sur les croix en
Couserans ne signale que quelques rares croix pour cette zone. d'après
lui, il n'y en aurait même "aucun(e) dans la partie montagneuse",
mais il est vrai qu'il précise "aucun(e) de quelque valeur". Il
ajoute encore que nombre de croix ont pu être brisées par
le vandalisme lié à des épisodes guerriers et que,
enfin, certaines, en bois, ont disparu depuis longtemps.
Donc, soit son inventaire est très
incomplet, soit d'innombrables croix ont été dressées
après 1915 !
Il est certain que, dans le cadre
des missions alors organisées pour raffermir le sentiment chrétien
des populations, des croix ont été dressées,
- certaines sur les lieux de rencontre,
de passage, des portes de villes,
- d'autres en des lieux moins
fréquentés, mais où se conservait le souvenir de la
présence d'une croix. Aujourd'hui encore le toponyme croix se rencontre
en des lieux où l'on ne voit nulle croix, comme le couret
de la croix à Moulis.
Les croix "perdues dans la nature"
semblent donc liées à des caractéristiques locales
évoquées dans d'autres pages : des courets, des lieux de
surveillance, des mégalithes, des lieux où, depuis un lointain
passé, des hommes vécurent pour surveiller des troupeaux
ou pour assurer une défense du territoire, des nécropoles,
comme au col d'Argein. Nul doute que, en ces lieux, les hommes priaient,
ne serait-ce que, parce que dans les sociétés primitives,
implorer la protection divine est la première phase de toute défense.
Ils priaient leurs dieux, les dieux des sociétés païennes
primitives et l'Eglise chercha, de tout temps, à consacrer ces lieux
au culte de son seul Dieu., comme elle le fit sur le Mont-Valier.
Plantant ici une croix en pierre, là une croix en fer, là
une autre en bois, et les renouvellant de temps en temps ! Faut-il croire
que, au début du XX° siècle, une grande partie de ces
croix s'étaient perdues ? C'est possible pour les croix de bois,
plus difficile à concevoir pour les autres. Notons seulement que,
dans son recensement, R. Roger ne mentionne pas la croix du Valier qui,
posée en 1672, existait encore dans les années 1980. A-t-il
réellement parcouru les campagnes et les montagnes ? A-t-il seulement
mené une enquête orale ?
L'abondance des croix semble donc
liée aux efforts constants de l'Eglise pour christianiser
une région où les pratiques païennes survécurent
longtemps, plus longtemps qu'ailleurs ?
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